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Jésus le Cynique? Un aspect notable du Courage de la vérité de Michel Foucault

Author: Ákos Cseke (Pázmány Péter Catholic University)

  • Jésus le Cynique? Un aspect notable du Courage de la vérité de Michel Foucault

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    Jésus le Cynique? Un aspect notable du Courage de la vérité de Michel Foucault

    Author:

Abstract

The starting point of this study is the article of M. Senellart in which the French scholar speaks about a curious "absence" of Jesus in the late Foucault. How is it possible that the late Foucault who gives an account of the will of truth-telling from Sophocles to Saint Augustine, does not mention at all Jesus? In my paper I try to argue that though Senellart is perfectly right in stating that in his writings and courses dedicated to the problem of Christianity Foucault does not seem to be interested in the life and teaching of Jesus, we find, though, a "secret presence" of the figure of Christ in the analysis of the Cynic movement that we can read in the second half of The Courage of Truth. Actually, it seems that while Foucault analyses the Cynic philosophers, he draws, rather implicitly (by some fundamental aspects that remind us ineluctably of the Christian tradition regarding the figure of Christ), the portrait of Jesus. I also draw attention to the "Cynic hypothesis" of the American "Jesus Seminar" founded by F. Gerald Downing which, curiously enough, developed the controversial hypothesis concerning the Cynic roots of the gospels in the eighties – nearly at the same time as Foucault held his last lectures concerning the relationship and the similarity between Cynicism and Christianity at the College de France.

Keywords: cynicism, christianity, history of truth, parrhesia, Foucault

How to Cite: Cseke, Ákos. "Jésus le Cynique? Un aspect notable du Courage de la vérité de Michel Foucault." Le foucaldien 6, no. 1 (2020): 1–33. DOI: https://doi.org/10.16995/lefou.67 [Note: In 2022, Le foucaldien relaunched as Genealogy+Critique.]

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13 May 2020
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1. Introduction. À la recherche du Christ perdu

Dans un article important consacré aux recherches de Michel Foucault sur le christianisme, Michel Senellart attire l'attention sur l'absence "surprenante" de Jésus Christ dans l'œuvre du dernier Foucault, notamment dans ses textes consacrés à l'histoire du dire-vrai dans l'Antiquité et au Moyen Âge.1 Il est bien connu que Foucault a développé, à la fin des années 70 et au début des années 80, une imposante "histoire de la vérité",2 "une histoire de la force du vrai, une histoire du pouvoir de la vérité"3 à partir d'Homère et de Sophocle jusqu'à Jean Cassien et saint Augustin en passant, entre autres, par Euripide, Socrate, Diogène, Epictète et Sénèque.4 Il s'agissait à la fois d'une "analyse des modes de véridiction", d'une "étude des formes de gouvernementalité" et d'une "attention portée aux manières de se produire soi-même comme sujet, c'est-à-dire aux techniques de subjectivation",5 les deux champs majeurs de cette investigation étant, d'une part, la politique ("problème de la structuration des conduites d'autrui: comment gouverner les autres?"), et, d'autre part, l'éthique ("problème de la structuration du rapport à soi: comment se gouverner soi-même"?)6 Ajoutons que l'approche éthique et politique sont, dans les travaux du dernier Foucault, indissociables l'une de l'autre: il s'agit à la fois du "dire vrai sur soi-même qu'une certaine forme de pouvoir impose aux gouvernés" et du "dire-vrai que les sujets peuvent revendiquer pour eux comme expression de leur propre liberté", la question centrale de la recherche foucaldienne étant "la re-position de la question de la vérité en dehors de toute théorie de la connaissance et de toute épistémologie".7

Le christianisme est abordé dans ce "'trip' gréco-latin qui a duré plusieurs années",8 de différents points de vue: d'abord celui des disciplines, puis celui du pastorat et "celui, enfin, de la véridiction, avec la comparaison des formes antique et chrétienne d'examen de conscience et de parrhesia", le fil directeur étant "la problématique générale de l'aveu", c'est-à-dire "le rapport spécifique, dans la culture chrétienne, qui lie le sujet à sa propre vérité, en vue d'assurer son salut".9 La question se pose: comment se fait-il que, au cours de cette recherche historique et philosophique centrée autour de la conception politique et éthique du "dire-vrai" ainsi que "de la pratique de parrêsia et du personnage qui est capable d'user de parrêsia, qui s'appelle […] le parrèsiaste (parrêsiastês)",10 Foucault n'ait consacré aucune analyse à la figure de Jésus telle qu'elle apparaît dans les Évangiles?

En ce qui concerne par exemple Le courage de la vérité, Foucault, en s'appuyant sur un article de Heinrich Schlier, étudie abondamment la notion chrétienne de la parrêsia dans les textes néotestamentaires, sans pourtant mentionner ou examiner la figure du Christ. Ce fait est d'autant plus curieux que, comme le remarque Senellart, "Foucault suit d'assez près, dans sa leçon [il s'agit de la deuxième leçon du 28 mars, 1984], l'article de Schlier, mais laisse de côté le long développement que celui-ci consacre à l'usage johannique du terme".11 Il semble donc bien qu'il ne s'agit pas d'une "simple absence du fait du domaine étudié", mais d'une véritable "occultation": Foucault était bien conscient du fait que Jésus était le "parrèsiaste" par excellence de la tradition chrétienne. En effet, dans l'Évangile de Jean,

Jésus est à la fois celui qui parle ouvertement (parrhesia) au monde, en tant qu'il enseigne dans le temple et les synagogues, et non en secret (en kruptoi) (18, 20 ; cf. également 7, 26), et qui se dérobe à la demande de parrhesia, de la part de ses proches et des Juifs, sur sa vocation messianique (10, 24 ; cf. également 7, 4) ; sous le second rapport, il est celui qui s'exprime, tantôt ouvertement (parrhesia), tantôt de façon énigmatique (en paroimiais, par paraboles) (16, 25 et 29).12

Pourquoi Foucault élimine-t-il Jésus de son histoire de la notion ou de la pratique de la parrêsia chrétienne? Une des raisons possibles de cette curieuse absence est, selon Senellart, la volonté de "récuser la question de l'origine":

Nietzsche, dans la Généalogie de la morale, récuse la recherche de l'origine (Ursprung), au nom du primat du développement (Entwicklung), avec les déplacements, déformations, travestissements qu'il entraîne et qui empêchent de remonter à une essence ou à un principe germinal. C'est de cette démarche que procède l'analyse foucaldienne du christianisme. Loin de chercher à en extraire un foyer de sens originel, c'est à sa dimension d'événement que s'intéresse spécialement Foucault: en quoi le christianisme fait-il événement par rapport aux autres cultures? En quels points se marque la rupture avec la civilisation gréco-romaine?

Et Senellart de poursuivre:

Cette position découle naturellement du refus de ramener un processus historique à l'unité d'un sens originel dont il ne serait que le déploiement et l'accomplissement progressif (ou, à l'inverse, le détournement systématique). À ce titre, elle s'oppose à toute quête du Jésus historique cherchant à retracer la voie par laquelle s'est constitué, à partir de lui, le message chrétien.13

Les propos de Senellart sont convaincants. Il convient d'autant plus de poser la question suivante: Jésus est-il véritablement absent des analyses du dernier Foucault? Est-il légitime de parler, comme le fait Senellart, d'une "occultation", d'un "silence" ou d'une "apousie" du Christ? S'il est sans doute justifié d'attirer l'attention sur le fait que l'on ne trouve pas d'analyse détaillée (ni même laconique) de la personnalité historique de Jésus dans le dernier Foucault, il me semble tout de même que l'on peut discerner une certaine présence de Jésus chez Foucault. Cette présence est peut-être difficilement perceptible à première vue. Et pourtant, elle me semble incontestable, au moins dans quelques textes foucaldiens de la dernière période, surtout Le courage de la vérité, à la condition de lire ces derniers d'un œil attentif. Je vais me concentrer, dans ce qui suit, sur cet ouvrage de Foucault, de toute importance, en essayant de suivre pas à pas les traces de la "présence absente" de Jésus au fil de ce texte qui reprend un cours donné en 1984. Jésus est effectivement "la figure absente du paysage chrétien dessiné par Foucault"14 – mais il ne cesse d'apparaître, me semble-t-il, dans le cadre des études cyniques foucaldiennes qui, dans Le courage de la vérité, précèdent et préparent l'analyse de la culture chrétienne.

2. Les études cyniques de Foucault

S'il avait déjà mentionné brièvement le cynisme dans ses cours de 1981 et 1982,15 c'est en 1983 que Foucault s'est véritablement lancé dans les études cyniques: d'abord au cours intitulé Le gouvernement de soi et des autres dans lequel il y fait référence à plusieurs reprises,16 ensuite, en langue anglaise, à l'Université de Berkeley en automne 1983,17 et finalement dans son dernier cours au Collège de France, Le courage de la vérité.18 Frédéric Gros a remarqué, à juste titre, que le noyau essentiel du cynisme pour Foucault, c'est le "couplage explosif d'un dire-vrai et d'un style d'existence" qui constitue pour lui "une constante supra-historique de l'attitude cynique".19 Si le cynisme établit au réel un rapport "de réduction à l'élémentaire depuis le refus agressif des normes sociales",20 ce geste provocateur implique la force de la vérité vécue: "il s'agit de voir jusqu'à quel point des vérités supportent d'être vécues, et de faire de l'existence le point de manifestation intolérable de la vérité".21 "Il ne s'agit pas de la fondation d'une morale qui recherche le bien et se détourne du mal, mais de l'exigence d'une éthique qui poursuit la vérité et dénonce le mensonge. Ce n'est pas une morale de philosophe, c'est une éthique de l'intellectuel engagé".22 C'est en ce sens précis qu'on peut dire avec Marie-Odile Goulet-Cazé que "si Foucault a accordé autant d'attention au cynisme […], c'est parce qu'il a pressenti en elle un message essentiel qui correspondait à sa problématique philosophique personnelle".23

On peut résumer, il me semble, l'importance philosophico-historique de l'école cynique pour Foucault en trois points fondamentaux.

D'une part, il s'agit, comme l'a souligné Frédéric Gros, d'une sorte de reconsidération de "l'esthétique de l'existence" entendue comme désir de faire une œuvre belle de son existence: "L'analyse de la parrhêsia cynique aura donc mené Foucault très loin, et presque à l'opposé du souci de soi stoïcien qui l'avait occupé durant l'année 1982 au Collège de France".24 Dans son étude sur les cyniques, Foucault met l'accent sur "la valorisation de la saleté, de la laideur, de la disgrâce" en soulignant que cet aspect "n'était pas très facile à accepter dans des sociétés si attachées aux valeurs de beauté, aux valeurs de la plastique dans le corps humain, dans le geste humain, dans les attitudes, dans la tenue des individus".25 Or on sait bien que la valeur de la beauté fait partie intégrante de l'esthétique foucaldienne de l'existence, même dans Le courage de la vérité. Il suffit de penser à ce que Foucault appelle le "cadre général" de son analyse, lequel attire l'attention, justement, sur "le moment où s'est établi un certain rapport entre ce souci […] d'une existence belle, d'une existence éclatante, d'une existence mémorable, et la préoccupation du dire vrai".26 La particularité des cyniques parmi les autres écoles philosophiques de l'Antiquité réside, selon Foucault, dans le fait qu'ils ont opté pour la laideur au lieu de la beauté et ont choisi le déshonneur en lieu et place d'une vie mémorable.27

D'autre part, il faut souligner que le courage cynique de la vérité ne consiste pas principalement, selon Foucault, à "dire" la vérité, mais bel et bien à la montrer et à la manifester par sa vie et par ses gestes mêmes.28 Dès lors, l'histoire de la vérité qu'esquisse Foucault dans les deux dernières années de sa vie change de perspective: il ne s'agit plus de faire l'histoire d'un acte verbal, du discours vrai en soi, qui serait, en somme, une sorte de préhistoire de la technique psychothérapique et psychanalytique élaborée au XIXe siècle.29 L'importance capitale de l'école cynique, aux yeux de Foucault, est d'avoir construit l'idée de la vraie vie sans que celle-ci soit nécessairement liée au désir de dire la vérité, c'est-à-dire d'avoir réduit, autant que possible, la place du discours dans cette forme de vie.

De Diogène, auquel Lucien prête l'affirmation qu'il est le prophète de la vérité (très exactement de la parrêsia: prophetês parrêsias), jusqu'à Grégoire de Nazianze disant de Maxime, à la fois ascète chrétien et authentique philosophe, qu'il est marturôn alêtheias (qu'il porte le témoignage, qu'il témoigne de la vérité), d'un bout à l'autre le cynisme apparaît bien comme cette manière de manifester la vérité, de pratiquer l'alèthurgie, la production de vérité dans la forme même de la vie.30

La laideur, la disharmonie et l'adoxia (déshonneur) ainsi que l'alèthurgie (mise à épreuve, témoignage, production ou manifestation de la vérité) – ce sont les deux premiers aspects principaux de l'école cynique selon Foucault.

Le troisième et dernier aspect qu'il faut mentionner consiste à identifier la continuité entre l'école cynique antique et la culture chrétienne patristique et médiévale, ce qui équivaut à reconsidérer profondément l'apport de la culture chrétienne ou du moins pré- ou proto-chrétienne par rapport à l'Antiquité. En effet, alors que dans le deuxième et le troisième volume de l'Histoire de la sexualité et même dans ses cours comme L'herméneutique du sujet ou L'origine de l'herméneutique de soi, Foucault ne cesse de souligner l'opposition – très problématique d'ailleurs – entre une sorte d'"âge d'or antique" et une culture chrétienne médiévale évaluée de manière plutôt négative – ce que Chevallier appelle l'"altérité irréductible entre Grecs et chrétiens"31 – l'analyse de l'école cynique lui donne au contraire l'occasion de mettre en évidence tout ce qui lie l'Antiquité gréco-romaine et le Moyen Âge chrétien (ou du moins "le pôle parrèsiastique du christianisme"32). Dans Le courage de la vérité Foucault affirme: "Le premier support du transfert et de la pénétration du mode d'être cynique dans l'Europe chrétienne a été [constitué] bien entendu par la culture chrétienne elle-même, les pratiques et les institutions de l'ascétisme".33 En outre, il appelle de ses vœux la reconstitution de la continuité "entre les modes d'exercice qu'on trouve dans le cynisme, et ceux qu'on trouve dans le christianisme".34 De fait, comme le souligne Frédéric Gros, "le christianisme tiendrait précisément son origine, selon Foucault, d'avoir croisé la visée platonicienne d'un 'autre monde' et l'exigence cynique d'une 'vie autre'".35

Dès lors, en 1984, Foucault peut se permettre de faire l'éloge du christianisme en se référant, entre autres, aux "textes néotestamentaires" dans lesquels la pratique de la parrêsia apparaît comme "la marque de l'attitude courageuse de celui qui prêche l'Évangile", mais aussi aux franciscains qui "sont bien, jusqu'à un certain point, les cyniques de la chrétienté médiévale", ou encore aux dominicains qui – en faisant référence aux cyniques – "s'appellent eux-mêmes les Domini canes (les chiens du Seigneur)", voire au mouvement vaudois dont les représentants "n'ont aucune domicile fixe, ils circulent deux par deux comme les apôtres (tanquam Apostolicum), suivant nus la nudité du Christ (nudi nudum Christum sequentes)".36 Et Foucault de poursuivre:

Ce thème (suivre nu la nudité du Christ, suivre nu la nudité de la Croix) a été extrêmement important dans toute cette spiritualité chrétienne et, là aussi, il réfère, au moins implicitement, à ce qu'a été cette fameuse nudité cynique [dont Foucault parlera un peu plus tard], avec sa double valeur d'être en même temps un mode de vie de dépouillement complet et la manifestation, en pleine nudité, de ce qu'est la vérité du monde et de la vie. Le choix de vie comme scandale de la vérité, le dépouillement de la vie comme manière de constituer, dans le corps même, le théâtre visible de la vérité semblent avoir été, tout au long de l'histoire du christianisme, non seulement un thème, mais une pratique particulièrement vive, intense, forte, dans tous les efforts de réforme qui se sont opposés à l'Église, à ses institutions, à son enrichissement, à son relâchement des mœurs. […] Toute cette longue histoire du cynisme chrétien pourrait être faite.37

Il y aurait donc, si je peux m'exprimer ainsi, un christianisme platonicien ou du moins platonisant (exploré, réfléchi et critiqué, entre autres, par Nietzsche) et un christianisme "cynique" – au sens le plus noble du terme, bien évidemment – démontré (à la suite de F. Schlegel38) par Foucault. Si ce dernier souligne, en 1984, la ressemblance et la relation historique entre le cynisme antique et le christianisme, c'est parce qu'il s'intéresse, à la fois en tant qu'historien et en tant que philosophe, à un "autre" christianisme, plus proche du cynisme antique que de la tradition chrétienne représentée, au cours de l'histoire, par l'Église catholique officielle et institutionnalisée. En effet, le christianisme institutionnel lui semble avoir établi un "rapport de la subjectivité et de la vérité à propos du désir" qui est "si caractéristique non seulement du christianisme mais de toute notre civilisation et de tout notre mode de pensée", un rapport dans lequel

il faudrait techniquement découvrir les moyens de reconnaître en soi la vérité même de ses désirs, pour pouvoir ensuite avoir accès à cette vérité qui m'est promise […]. C'est ainsi que c'est le christianisme qui a introduit, comme question fondamentale dans le rapport à la vérité, cette question: qu'en est-il de la vérité de ma concupiscence?39

L'importance de l'école cynique, pour Foucault, consiste à avoir développé un autre modèle permettant de saisir et vivre ce rapport: il ne s'agit plus de découvrir la vérité sur soi, mais de vivre, le plus radicalement possible, selon la vérité. Or ce qui apparaît dans Le courage de la vérité, c'est justement la mise en évidence, par Foucault, d'une continuité réelle instaurée entre le cynisme antique et la tradition "mystique" chrétienne dans laquelle

le terme de parrêsia apparaît donc avec cette valeur positive de rapport aux autres, dans la mesure où on est capable de manifester, jusqu'au martyre compris, le courage de la vérité […] dans la forme d'un face-à-face avec Dieu et dans celle d'une confiance, confiance humaine qui répond à l'épanchement de l'amour divin.40

La question se pose: quelle place faut-il accorder à Jésus dans cette "autre" histoire de la vérité, dont le but principal n'est plus de démontrer la rupture entre la tradition gréco-romaine (le "souci de soi") et la tradition chrétienne ("l'herméneutique du sujet"), et dans laquelle le trait fondamental de la tradition gréco-romaine est cette volonté acharnée de manifester la vérité en allant jusqu'à affirmer la valeur propre de la laideur et du déshonneur? Le Jésus que nous connaissons au moyen des Évangiles n'est-il pas plus proche de cette tradition "cynique"41 que de la tradition "platonicienne" ou "ecclésiale"? Ne ressemble-t-il pas plus à Diogène qu'à saint Pierre ou à Socrate42?

Avant de nous concentrer sur le texte du Courage de la vérité, soulignons que ce clivage possible (ou même réel) au sein du christianisme – clivage entre deux tendances antagoniques à l'intérieur du christianisme, antagonisme se diffractant aussi sur l'appréciation de la figure du Christ – est présent, dès 1978, au cœur des investigations historiques et philosophiques de Foucault, indépendamment du fait s'il s'agit des recherches sur la généalogie du gouvernement des hommes et de la direction de conscience ou des recherches concernant la parrêsia chrétienne. Il suffit de penser à son cours intitulé Sécurité, territoire, population dans lequel le philosophe français, tout un parlant du modèle pastoral du gouvernement des hommes propre au christianisme caractérisé par l'obéissance et l'aveu, montre toute une série des "contre-conduites" ascétiques et mystiques qui tendent "à redistribuer, à inverser, à annuler, à disqualifier partiellement ou totalement le pouvoir pastoral dans l'économie du salut, dans l'économie de l'obéissance, dans l'économie de la vérité".43 Or comme le dit Laura Cremonesi, "cet ascétisme sauvage et individuel aurait été, selon Foucault, beaucoup plus proche de l'askesis cynique que du christianisme des communautés cénobitiques".44 Si, plus tard, Foucault a assez vite rejeté ou du moins modifié sa conception de ses "contre-conduites",45 il reste que ce même antagonisme au cœur du christianisme peut se retrouver, sous diverses formes, dans d'autres cours du dernier Foucault.46

Au demeurant, il faut attirer l'attention sur le fait qu'il s'agit aussi, chez Foucault, de deux conceptions chrétiennes tout à fait antagonistes par rapport au Christ lui-même. En effet, si dans Sécurité, territoire et population le Christ apparaît d'abord comme le modèle par excellence chrétien du pasteur "qui se sacrifie pour ramener à Dieu le troupeau qui a été perdu",47 c'est aussi par "l'identification du corps avec le Christ" que Foucault décrit l'ascèse anti-pastoral.48 Le Christ est donc à la fois le modèle du gouvernement ecclésiale et institutionnel, et le modèle des modes de vie "libres et sauvages" de l'ascétisme chrétien qui sont "complètement incompatibles avec une structure du pastorat".49

Tout en soulignant que "Foucault ne semble pas considérer le christianisme comme une configuration unitaire, mais trace en fait une ligne de fracture qui scinde l'expérience chrétienne",50 il faut se demander: quel est l'enjeu véritable de ces recherches qui ont pour but de démontrer l'existence de deux (ou plusieurs) traditions antagonistes au sein même du christianisme? A la fin de son cours de 1980 Foucault déclare que c'est "le schéma de la subjectivité chrétienne, une procédure de subjectivation qui s'est historiquement formée et développée dans le christianisme et qui se caractérise d'une manière paradoxale par le lien obligatoire entre mortification de soi et production de la vérité sur soi-même" qui prédomine, même aujourd'hui, dans "les sociétés occidentales".51 "Nous sommes obligés de parler de nous-mêmes pour en dire vrai".52 Or, la question qui est au cœur des investigations du dernier Foucault est, me semble-t-il, la suivante: comment "penser autrement" le rapport entre subjectivité et vérité? Comment vivre "philosophiquement"? Autrement dit: qu'est-ce que, au fond, l'ascèse véritable53? Ou encore: "Pourquoi tient-on à la vérité alors même que ce rapport nous coûte? Pourquoi acceptons-nous, pour la vérité, d'entrer librement dans ses jeux complexes et dangereux?"54

Comme le dit Stéphane Massonet dans son compte-rendu sur L'origine de l'herméneutique de soi, le travail historique de Michel Foucault n'a pas pour but de fournir "une juste compréhension historique de la spiritualité grecque [et chrétienne]. Tout au contraire, il doit permettre de dégager les conditions d'une éthique à venir, celles qui nous permettront de penser une subjectivité sans le recours à l'herméneutique et aux techniques de vérité".55 Ce travail historique est pleine de bifurcations, de transformations, de déplacements et d'impasses. Il semble pourtant que, premièrement, l'étude du christianisme primitif nous amène, presque impérativement, à découvrir un "christianisme en dehors du christianisme", ce qui fait que la mise en question du "schéma de la subjectivité chrétienne" peut se faire en s'appuyant sur la problématisation et l'examen historique de la diversité des traditions chrétiennes elles-mêmes, et, deuxièmement, qu'il y ait un certain mouvement circulaire entre la recherche du dernier Foucault concernant le cynisme et le christianisme. En effet, si Foucault s'est intéressé à l'école cynique, c'est parce qu'il est "devenu urgent de penser une subjectivité sur base du contre-modèle grecque, définissant une connaissance de soi qui aurait définitivement liquidé toute possibilité herméneutique du sujet en se débarrassant des techniques de vérité et de l'intrinsèque superposition entre subjectivité et connaissance".56 Or, comme l'indique le texte du Courage de la vérité, les investigations du dernier Foucault concernant le cynisme antique – notamment, entre autres, l'importance accordée par les cyniques à la laideur (au lieu de la beauté de l'existence) et à la manifestation de la vérité (en place de la problématique générale du dire-vrai) – lui ont permis de découvrir ou redécouvrir les mouvements ascétiques et mystiques du christianisme primitif liés, d'une manière ou d'autre, à une vision du christianisme et plus spécialement du Christ qui n'a pas été institutionnalisée par l'Église catholique médiévale.57

3. Présences de Jésus

Retournons maintenant au texte du cours de Foucault de 1984. Précisons d'abord que dans l'ensemble du Courage de la vérité, Foucault mentionne en tout et pour tout quatre fois la figure de Jésus – toujours en lien avec l'examen des cyniques –: premièrement dans le passage déjà cité où il compare la nudité cynique et la nudité chrétienne ; deuxièmement en parlant de saint Paul que Barnabas a vu prêcher "au nom de Jésus" ;58 troisièmement dans un texte auquel je vais bientôt revenir, où il est question de la royauté du Christ ; finalement il évoque Jésus, sans le nommer, à propos de Pérégrinus qui, "par fidélité et obéissance à celui que Lucien appelle le sophiste qui a été crucifié en Palestine", "s'était brûlé vif".59 Ce sont donc toutes les références (plus ou moins) explicites à Jésus figurant dans le texte même du Courage de la vérité.

Regardons maintenant, au sein de l'étude foucaldienne des cyniques, les passages qui renvoient implicitement, mais très clairement, il me semble, à la figure du Christ. Il faut attirer l'attention sur (au moins) cinq thèmes principaux: 1. Le témoignage intransigeant et "agonistique" de la vérité (militantisme, combat universel pour et contre l'humanité toute entière) ; 2. La relation explicite entre la laideur et la vérité ; 3. La vie sans abri, l'humilité et la pauvreté ascétique ; 4. La prophétie d'une autre royauté ; 5. La vocation divine qui s'exprime, plutôt que par la rhétorique de l'éloquence, dans un langage souvent provocateur, résolument direct et pauvre.

Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. Car je suis venu mettre la division entre l'homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l'homme aura pour ennemis les gens de sa maison. (Matthieu 10, 34–35)

Ce passage qui montre l'attitude militante et "agonistique" – au sens étymologique du mot60 – du Christ qui, même s'il est "doux et humble de cœur" (Matthieu 11, 29), est prêt à lutter, au nom de la vérité, contre tout et contre tous, ainsi qu'à renverser "les valeurs conventionnelles et les rapports hiérarchiques" représente, comme le dit Marie-Odile Goulet-Cazé au sujet de la relation entre cynisme et christianisme, "sans nul doute la similitude la plus frappante entre les deux mouvements".61 Il suffit de penser à la lutte permanente et radicale du cynique, sur laquelle Foucault revient à plusieurs reprises en marquant sa différence par rapport aux autres "combats spirituels" et philosophiques au sens traditionnel. Le combat cynique ne consiste pas simplement, pour l'individu, dans la lutte contre ses propres désirs ou pensées:

Le combat cynique […] s'adresse à l'humanité en général, à l'humanité dans sa vie réelle avec comme horizon ou objectif de la changer, la changer dans son attitude morale (son êthos), mais, en même temps et par là-même, la changer dans ses habitudes, ses conventions, ses manières de vivre.62

Le cynisme étant "un militantisme révolutionnaire", "un militantisme dans le monde, contre le monde" qui "mène le combat qui doit conduire au changement du monde tout entier",63 le cynique, ce philosophe militant "doit scandaliser, plutôt que rechercher un consensus".64

Or, en parlant de ce combat universel "qui prend la forme de l'endurance, du dépouillement, de l'épreuve perpétuelle de soi sur soi, mais aussi de la lutte dans l'humanité, par rapport à l'humanité, pour l'humanité elle-même", Foucault fait appel au grand modèle du philosophe cynique: à la figure d'Héraclès. La spécificité de ce héros réside dans le fait qu'il n'est pas semblable aux autres grands héros de la mythologie grecque qui "avaient pu être fameux par leur beauté, leur richesse ou leur puissance". Tout au contraire: Héraclès est "le plus pitoyable des hommes (athlêtês athliotaton)".

L'athlêtês, explique Foucault, c'est l'athlète. Athlios, c'est celui qui est misérable. […] Athlète misérable, lutteur qui suscite la pitié par la dureté du destin, c'est ce qui caractérise Héraclès par opposition à tous les grands héros en quelque sorte positifs, visibles et éclatants de la légende. Ce sera simplement après sa mort que Héraclès apparaîtra pour ce qu'il est, qu'il sera enfin reconnu, que sa royauté misérable deviendra royauté éclatante.65

Ce "héros cynique", en quelque sorte invisible et négatif, qui lutte pour la vérité et semble être finalement vaincu dans ce combat, ainsi que l'apothéose glorieuse, après sa mort, de cet homme pitoyable et misérable, évoquent et font ressouvenir non seulement les Milites Christi, les "athlètes du Christ", tel saint Paul qui interprète la vie chrétienne comme un "combat" (Romains 15, 30) et proclame que les vrais chrétiens sont les "grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés" (Romains 8, 37), ou encore les martyrs chrétiens des premiers siècles de notre ère qui sont en quelque sorte les combattants à la fois misérables et éclatants du Royaume céleste, mais encore, bien évidemment, le Vir Dolorum, le "Christ de pitié" et le "Christ aux outrages" avec des Arma Christi dont l'iconographie est bien connue et dont la prophétie dit effectivement:

Il s'est élevé devant lui comme une faible plante, comme un rejeton qui sort d'une terre desséchée ; il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, et son aspect n'avait rien pour nous plaire. Méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et habitué à la souffrance, semblable à celui dont on détourne le visage, nous l'avons dédaigné, nous n'avons fait de lui aucun cas. (Ès 53, 2–3)66

Cette ressemblance entre l'image du héros antique (modèle primordial du philosophe cynique) et l'image traditionnelle du Christ – ressemblance remarquée, entre autres, par Marcel Simon dans son livre publié en 195567 – est renforcée, dans le Courage de la vérité, par deux nouveaux aspects complémentaires: d'abord par le fait que le visage misérable qui manque de beauté cache et représente la gloire de la vérité, ensuite que cette figure, dans laquelle la laideur et la vérité sont liées de manière indissociable, est une figure royale.

L'importance primordiale de la vérité dans l'enseignement du Christ (cf. par exemple Jean 14, 6) est chose bien connue ; de même, le thème dominant du dernier cours de Michel Foucault au Collège de France, où le cynisme joue un rôle prépondérant, est justement "le courage de la vérité". En effet, le cynisme, selon Foucault, "ne cesse de rappeler ceci, que bien peu de vérité est indispensable pour qui veut vivre vraiment et que bien peu de vie est nécessaire quand on tient vraiment à la vérité".68 C'est pourquoi il ajoute, en s'appuyant sur un texte d'Epictète, que "le cynique est chargé d'annoncer la vérité. Il est en quelque sorte l'ange de la vérité, l'ange qui dit, annonce la vérité (appaggeilein talêthê: il annonce les choses vraies)".69 En outre, tout en apparaissant, dans le Courage de la vérité, comme "l'ange de la vérité", le cynique est qualifié de "prophète"70 et de "martyr" de la vérité:

Cette expression [de saint Grégoire de Nazianze] 'marturôn tês alêtheias' (être le témoin de la vérité) est tardive, mais je crois qu'on peut la retenir pour caractériser au fond ce qu'a été le cynisme pendant toute l'Antiquité, et sans doute ce que sera cette espèce de cynisme que l'on peut trouver tout au long de l'histoire de l'Occident, à travers différent profils. Martyr de la vérité entendu au sens de 'témoin de la vérité': témoignage qui est donné, manifesté, authentifié par une existence, une forme de vie au sens le plus concret et le plus matériel du terme, témoignage de vérité donné par et dans le corps, l'habillement, le mode de comportement, la manière d'agir, de réagir, de se conduire. […] La vie comme présence immédiate, éclatante et sauvage de la vérité, c'est cela qui est manifesté dans le cynisme. Ou encore: la vérité comme discipline, comme ascèse et dépouillement de la vie. La vraie vie comme vie de vérité. Exercer dans sa vie et par sa vie le scandale de la vérité.71

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce texte du point de vue de notre investigation. Il suffit de souligner ici l'importance que Foucault accorde, en commentant le verbe grec "marturein", au mot "témoignage". Tout comme il le dit déjà, un peu plus haut:

Alors bien sûr, marturôn ([du verbe] marturein) ne désigne pas uniquement le martyr au sens que nous donnons d'ordinaire à ce terme. C'est le témoignage de la vérité qui est ici désigné. […] Il a souffert, il a enduré, il s'est privé pour que la vérité prenne, en quelque sorte, corps dans sa propre vie, dans sa propre existence, prenne corps dans son corps.72

On remarque bien évidemment l'importance, aux yeux de Foucault, de l'évènement par lequel la vérité prend corps dans le corps même du cynique, l'importance qu'il accorde à l'idée d'incorporation ou même d'"incarnation" de la vérité, qui fait naturellement penser au début de l'Évangile de saint Jean. Mais il est plus intéressant, peut-être, de noter l'usage, de toute évidence très conscient, des mots "témoin" et "témoignage" en lien avec la vérité. En effet, en insistant à plusieurs reprises sur ces combinaisons lexicales, Foucault se réfère indéniablement au passage de l'Évangile de Jean (18, 37): "Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité."

L'analyse du contexte immédiat de ce passage (soulignons, d'ailleurs, qu'à la version grecque de l'Évangile, le verbe marturein se trouve aussi intimement lié au mot grec alètheia: μαρτυρήσω τῇ ἀληθɛίᾳ), montre que le thème du témoignage de la vérité s'insère dans le cadre du dialogue entre Pilate et Jésus au cours duquel il est justement question du royaume et de la royauté du Christ: "Mon royaume n'est pas de ce monde, répondit Jésus. […] Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix." (Jean 18, 36–37) Or l'un des aspects les plus importants de l'interprétation foucaldienne du cynisme est justement l'image de la vraie royauté invisible du véritable philosophe cynique (inspirée, bien sûr, par leur héros-modèle, Héraclès): "Le cynique lui-même est un roi, il est même le seul roi. Les souverains couronnés, les souverains visibles, en quelque sorte, ne sont que l'ombre de la vraie monarchie. Le cynique est le seul vrai roi".73 Ce "vrai roi" et cet "autre roi" est d'ailleurs, comme Jésus lui-même, le fils de Dieu: "Un véritable roi, comme Diogène, est issu directement de Zeus. Il est fils de Zeus, et pas d'une [lignée] monarchique".74

Or le signe de cette royauté divine est, d'une part, la mission et la vocation reçues directement de Dieu ("c'est une mission que l'on peut recevoir de Dieu, et de Dieu seulement. Il faut l'attendre, on n'a pas à se la confier soi-même"75), d'autre part, justement, l'invisibilité du roi: il s'agit de "cette idée de souverain caché, du souverain de dérision qui lutte pour l'humanité et pour l'affranchir de ses maux et des vices"76 ou encore du "roi anti-roi, [du] roi dissimulé, [du] roi des ombres, [du] roi misérable et dérisoire".77 "Le cynique est un vrai roi, seulement c'est un roi méconnu, un roi ignoré […]. C'est un roi de misère, un roi qui cache sa souveraineté dans le dépouillement".78 Ce n'est pas un hasard si Foucault lui-même attire l'attention sur la continuité ou la ressemblance de ce thème dominant du christianisme: "On retrouve là un thème dont vous savez combien il est important dans le christianisme. Le thème christique du roi caché a certainement, jusqu'à un certain point, repris un certain nombre d'éléments à ce thème du roi cynique, du roi de misère".79 Ce roi misérable, tel qu'il est présenté par Foucault, dont la misère sera transformée après sa mort en gloire rayonnante, nous fait effectivement penser au passage bien connu de l'Évangile qui dit:

Les soldats conduisirent Jésus dans l'intérieur de la cour, c'est-à-dire, dans le prétoire, et ils assemblèrent toute la cohorte. Ils le revêtirent de pourpre, et posèrent sur sa tête une couronne d'épines, qu'ils avaient tressée. Puis ils se mirent à le saluer: Salut, roi des Juifs ! Et ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et, fléchissant les genoux, ils se prosternaient devant lui. Après s'être ainsi moqués de lui, ils lui ôtèrent la pourpre, lui remirent ses vêtements, et l'emmenèrent pour le crucifier. (Marc 15, 16–20)

"Le dévouement du roi cynique, ce roi réel et dérisoire, est marqué par trois traits", nous dit Foucault, à savoir, premièrement, qu'il a pour tâche de "s'occuper des autres", de "réellement prendre soin d'eux, aller les chercher là où ils sont, sacrifier soi-même sa propre vie pour pouvoir s'occuper des autres" ; la deuxième caractéristique de cette royauté invisible est, selon Foucault, qu'elle relève d'une relation de type curatif qui est essentiellement "l'instrument du bonheur des autres" ; Foucault souligne enfin, une nouvelle fois, son "caractère polémique, belliqueux […] dont l'instrument principal, bien entendu, est la fameuse diatribè".80 Prendre soin des autres et sacrifier sa propre vie pour eux, les guérir de leurs maux corporels et spirituels – il est presque inutile de souligner la correspondance avec les Évangiles (sans ignorer, bien sûr, les divergences). En ce qui concerne le point précis de la prédication, c'est Foucault lui-même qui souligne la continuité entre la tradition cynique et chrétienne.

En effet, Foucault a développé longuement le cas de la prédication dans sa leçon du 7 mars 1984, où il évoque le "mode de traditionalité assez particulier" du cynisme.

Je veux dire ceci: puisque, on vient de le voir, ils ne se soucient pas tellement d'enseigner une doctrine, mais de transmettre des schémas, eh bien les cyniques se servent, pour transmettre ces schémas de vie, non pas tellement d'un enseignement théorique, dogmatique, mais surtout de modèles, de récits, d'anecdotes, d'exemples.81

Or, on le sait bien, l'enseignement du Christ, lui aussi, passe volontiers par des récits et des paraboles que l'on peut et doit directement suivre, et non par l'exposé d'une doctrine théorique développée de manière subtile et raffinée. Si, dans son cours de 1984, Foucault n'établit pas un lien direct entre ce mode de traditionalité et d'enseignement propre au cynisme et celui du christianisme, il le fait très explicitement dans le cours en langue anglaise qu'il a tenu à l'Université de Californie en 1983, où il souligne que les thèmes et le mode de "prêcher" propre aux cyniques ("Cynic preaching") ont été repris dans et par le christianisme:

Cynic preaching about freedom, the renunciation of luxury, Cynic criticisms of political institutions and existing moral codes, and so on, also opened the way for some Christian themes. But Christian proselytes not only spoke about themes which were often similar to the Cynics; they also took over the practice of preaching.82

Il faut encore signaler d'autres ressemblances entre le portrait du cynique antique dessiné par Foucault et la figure chrétienne du Christ. De fait, le cynique, aux yeux de Foucault, n'est pas seulement l'ange, le prophète ou le martyr de la vérité, il n'est pas seulement un roi de misère, un roi invisible qui lutte pour et contre l'humanité toute entière. Il est également et essentiellement quelqu'un qui, au nom de sa mission d'origine divine, demeure, selon le texte d'Epictète cité par Foucault, "libre de tout ce qui pourrait le distraire, tout entier au service de Dieu, en mesure de se mêler aux hommes et sans être enchainé par les devoirs privés", qui n'a donc "ni femme, ni enfants", car c'est "toute l'humanité qu'il a engendrée, tous les hommes qu'il a pour fils, toutes les femmes qu'il a pour filles"83 (ce n'est pas un hasard si Foucault attire l'attention sur le fait que le cynique est aussi une sorte d'"évêque" parmi les gens84), de même qu'il est, toujours d'après le texte d'Epictète, quelqu'un qui "ne pourra avoir ni abri ni foyer ni même patrie".85 On peut citer à ce propos le texte encore une fois bien connu de l'Évangile de Matthieu (8, 20): "Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête."

Il s'agit, finalement, d'une "pauvreté", "nudité" ou "dénudation" radicales de l'existence au sens à la fois corporel, matériel et spirituel, d'une "ascèse" entendue comme pratique continuelle et exercice quotidien de la vérité, ainsi que de la "pratique systématique du déshonneur" comme "conduite positive, une conduite qui a sens et valeur".86 Ce qui importe pour le cynique, c'est "l'acceptation des violences, des coups, des injustices que les autres peuvent lui faire subir", en sachant que "dans toutes les souffrances qu'il doit endurer, c'est Zeus qui l'exerce. Idée donc, vous le voyez, que la souffrance acceptée par le cynique, l'humiliation à laquelle il ne se dérobe pas valent exercice".87 Cette idée se marie avec la conviction que le cynique "doit aimer ceux qui le battent comme s'il était le père et le frère de tous"88: "l'insulte donne l'occasion au cynique d'établir un rapport d'affection avec ceux-là même qui lui font mal et, à travers lui, avec le genre humain tout entier".89 C'est ainsi que "le cynique se trouve associé au gouvernement de l'univers".90 Ce "Gubernator Mundi", si je puis m'exprimer ainsi, est un "missionnaire universel du genre humain qui veille sur les hommes quoi qu'ils fassent ou qu'ils soient".91 Il serait encore une fois inutile, je crois, de citer tous les passages des Évangiles qui semblent, de manière consciente et volontaire, être évoqués dans les analyses de Foucault, notamment, entre autres, le devoir d'aimer ses ennemis.92 Il faut lire ces passages avec le commentaire de Foucault lui-même: "Mais ce personnage un peu mixte, assez énigmatique qu'Epictète représente dans l'entretien 22 du livre III, vous avez pu y pressentir déjà un certain nombre d'éléments que l'on retrouvera par la suite, et en particulier dans l'expérience chrétienne".93

4. "The Cynic Hypothesis"

Il n'y a, je crois, nulle exagération à soutenir, à propos de ces références explicites et implicites à la figure du Christ qui ne cessent d'apparaître au cours de son étude sur le cynisme, qu'il existe chez Foucault un certain jeu, une comédie, farce ou invention qui n'est pourtant pas une simple plaisanterie ou un divertissement. Il y a derrière cela une intention sérieuse. Ce n'est pas un hasard, il me semble, si la figure du Christ transperce, pour ainsi dire, les recherches de Foucault sur l'école cynique: l'intéressé semble être lui-même bien conscient de ce rapprochement. On pourrait même aller jusqu'à avancer l'hypothèse suivante: alors qu'il refuse de dessiner le portrait du Christ au moyen de références aux textes néotestamentaires et surtout à la tradition chrétienne ecclésiale, théologique ou institutionnelle, il semble bien que Foucault se plaît à formuler de fréquentes allusions, explicites et implicites, au Christ quand il s'exprime au sujet des philosophes cyniques. Le portrait estompé du Christ qui se dessine ainsi dans les pages du Courage de la vérité témoigne d'un intérêt réel de Foucault à l'égard de la figure de Jésus. En effet, c'est cette présence secrète du Christ qui semble, entre autres, soutenir l'idée selon laquelle il y a une continuité entre la tradition cynique et chrétienne. "Le scandale de vérité" propre aux cyniques, selon Foucault,94 est quelque chose qui, selon Goulet-Cazé, a probablement permis aux premiers chrétiens de se ressouvenir et même de saisir ou de comprendre en quelque sorte le caractère radical de la vie et de l'enseignement du Christ;95 et cela, comme l'a remarqué Étienne Balibar, car ce "scandale" cynique inouï aux yeux de tous renvoie directement à ce dont parle saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens (1, 23): "nous, nous prêchons un Christ crucifié ; scandale pour les Juifs et folie pour les païens".96

Au demeurant, il ne faut pas oublier, bien sûr, de souligner les nombreux aspects de l'école cynique n'ayant rien à voir, ni avec le christianisme, ni avec l'enseignement des Évangiles, qui sont donc tout à fait étrangers à ce que Jésus a prêché. Il suffit de penser, entre autres, aux fameux gestes cyniques relevant de la sexualité (l'inceste, la masturbation publique, l'union libre etc.) ou à l'anthropophagie.97 Foucault, lui aussi, attire notre attention sur les différences inéluctables entre ces deux formes de vie ou de pensée, notamment, par exemple, sur la différence capitale qui distingue le désir ou la recherche du "monde autre" et celle de "l'autre monde",98 ou encore sur la question à poser à propos du contenu réel de cette vérité: qu'est-ce que la vérité cynique et chrétienne? S'agit-il ici de la même vérité?99 Comme le dit Foucault: "On a d'ailleurs mille [exemples] de cette proximité extrême entre la pratique du dépouillement cynique comme témoignage, martyr de la vérité, et l'ascèse chrétienne comme témoignage aussi de la vérité (même s'il s'agit d'une autre vérité)".100 Foucault ne dit d'ailleurs jamais ouvertement que le Christ est comparable au philosophe cynique, ni qu'il puisse être considéré, au sens ancien du terme, comme un "cynique". Le "jeu" de Foucault consiste pourtant à faire rencontrer et, pour ainsi dire, à faire miroiter perpétuellement, tout au long du Courage de la vérité, la figure du philosophe cynique et celle du Christ. Ce jeu, Foucault le joue en s'appuyant sur les gestes, les mots et les attitudes les plus importants du cynisme, mais aussi sur les concepts qu'il a lui-même forgés, inventés ou utilisés pour décrire cette école philosophique peu commune.

Le concept de "scandale de la vérité", que Foucault invente pour décrire le mouvement cynique et qui fait ressouvenir, selon Balibar, un concept très connu de l'épître paulinienne, n'est pas le seul exemple que l'on puisse mentionner. En effet, ce n'est pas un hasard, je crois, si Foucault utilise le mot "alèthurgie"101 pour caractériser le mode de vie propre aux cyniques, mot qui renvoie, bien évidemment, à l'idée de la liturgie chrétienne, commémoration et célébration du sacrifice du Christ. L'alèthurgie n'est rien d'autre que la liturgie, c'est-à-dire le service, la manifestation de l'alètheia, la vérité.102 Si, dans son cours de 1980, Foucault insistait encore sur le caractère double de cette manifestation ("on pourrait appeler 'alèthurgie' (manifestation de vérité) l'ensemble des procédés possibles, verbaux ou non, par lesquels on amène à jour ce qui est posé comme vrai"103), dans son dernier cours il semble plutôt mettre l'accent, comme je l'ai déjà fait remarquer plus haut, sur le côté non-verbal de cette manifestation. Et c'est justement cette insistance sur la production, la théâtralisation, la manifestation – j'allais dire: la révélation – de la vérité dans sa vie, dans son corps (au lieu d'un simple Wahrsagen, du dire-vrai), c'est cette dramatique de la vérité qui permet de rapprocher, malgré les différences essentielles, la figure du Christ et l'école cynique: la capacité, le souci ou le désir non pas seulement de dire, mais bien plutôt de vivre radicalement et complètement la vérité, pour qu'elle prenne corps dans notre corps, dans notre vie quotidienne ; mode de vie qui – au lieu de produire un discours sur l'importance de la vérité et sur ce que c'est que la vérité – peut mener, tout naturellement, à se sacrifier sa propre vie courageusement pour la vérité.

M. Senellart, comme nous l'avons écrit plus haut, s'est efforcé d'insérer le Christ dans la tradition de la parrêsia prise au sens de "dire-vrai". La perspective de Foucault, du moins dans son dernier cours, semble être différente: Jésus n'est pas avant tout le héros du dire-vrai, mais bien plutôt, à la manière des cyniques, le héros de la vérité qui vit le plus radicalement possible dans et selon la vérité et qui manifeste incessamment le "vrai" dans ses propres gestes et dans sa vie quotidienne. Il n'est pas un "parrèsiaste" par le fait qu'il "parle ouvertement" au monde, mais par le fait qu'il vit selon la vérité et qu'il est prêt à donner sa vie pour elle. Comme le dit Daniele Lorenzini: "C'est le contexte dans lequel se produit l'alèthurgie, dans lequel la vérité est manifestée, qui détermine le caractère parrèsiastique ou non parrèsiastique de l'énoncé, et non pas la structure formelle du discours de vérité en tant que tel".104 C'est pourquoi la figure de Jésus se devait d'apparaître dans le cadre d'une étude de l'histoire de la vérité centrée sur les "anges", les "prophètes" ou les "martyrs" de la vérité.105 Il est intéressant de noter, à ce propos, toujours avec Daniele Lorenzini, que "l'expression 'vraie vie' (alêthès bios ou alêthinos bios)", employée par Foucault pour décrire et comprendre le projet singulier des cyniques, "est très rare dans les textes grecs de la période classique et hellénistique – elle deviendra en revanche beaucoup plus fréquente dans les textes chrétiens" (notamment chez Basile de Césarée, Philon d'Alexandrie, saint Athanase, Clément d'Alexandrie ou Constantin VII Prophyrogénète).106 Foucault exprime donc ce projet – selon lui – typiquement cynique de la vérité à l'aide d'une expression empruntée à la culture chrétienne (une expression qui "n'apparaît jamais dans les textes du corpus cynique, à une exception près: une seule occurrence […] que Foucault ne cite pas, car sans doute il ne [la] connaissait pas"107), ce qui témoigne, encore une fois, de cet étrange, incessant et joyeux entrecroisement du cynisme et du christianisme, si singulier au Courage de la vérité.

La perspective foucaldienne est d'autant plus remarquable qu'elle s'est développée en parallèle aux recherches théologiques américaines du "Jesus Seminar", fondé en Californie au milieu des années 80. Le "Jesus Seminar", comme l'explique Goulet-Cazé, "n'hésitait pas à affirmer que le meilleur modèle explicatif pour rendre compte des paroles de Jésus était le cynisme et que le Jésus historique était un Jésus cynique ou 'Cynic-like'. C'est qu'on a appelé la 'Cynic hypothesis'".108 Un des représentants de ce séminaire, F. Gerald Downing déclare qu'il

existe, dès l'époque de Jésus, un cynisme non chrétien et un cynisme chrétien dont témoigne le choix des topiques que l'on rencontre dans Q [il s'agit de la fameuse source Q des Évangiles]. Downing exclut l'hypothèse que les parallèles soient de pures coïncidences. Partant du principe que la praxis et le langage de Jésus n'ont pu naître ex nihilo, il affirme que c'est dans le cynisme qu'on trouve leurs antécédents. En conséquence, il imagine que les cyniques ont parcouru non seulement les villes, mais aussi les villages et la campagne de Galilée, et que ceux qui apprenaient à lire et à écrire étudiaient à l'école, dans des Progymnasmata, les œuvres et les dits de Diogène et de Crates.109

Quant à Burton L. Mack, un autre représentant du "Jésus Seminar", il va jusqu'à soutenir que

le mouvement de Jésus, loin de voir en ce dernier un messie juif apparu pour réformer la religion juive ou un Christ sauveur mort et ressuscité, l'aurait conçu comme un enseignant cynique, et c'est aux 'narrative gospels', élaborés bien plus tard, qu'il faudrait attribuer la création du mythe du Christ sauveur.110

On peut également citer l'argument de Hans Bieter Betz qui, tout en réfutant, du point de vue historique, "l'hypothèse cynique" du "Jesus Seminar", déclare néanmoins que "la première représentation figurée dont nous disposons du Christ le montre en tant que philosophe cynique".111

Il n'est pas question ici d'étudier ou d'évaluer l'hypothèse cynique du "Jesus Seminar" – je renvoie, à ce propos, aux excellentes études de Betz et Goulet-Cazé, et aussi, bien évidemment, au matériel critique qu'ils ont eux-mêmes utilisé. J'aimerais, en revanche, terminer par deux remarques. D'une part, la coïncidence est tout à fait surprenante entre l'intérêt manifesté par Foucault, au début des années 80, à l'égard du parallèle entre cynisme et christianisme et les recherches théologiques analogues développées (accompagnées d'hypothèses beaucoup plus provocantes) à partir du milieu des années 80 en Californie – ce lieu précieux et important dans la vie du dernier Foucault. D'autre part, le rapprochement entre le mode de vie cynique (au sens où Foucault le décrit dans Le courage de la vérité) et la figure du Christ est une hypothèse fascinante, même si, du point de vue philologique ou historique elle reste, comme l'ont montré Betz et Goulet-Cazé, peu plausible ou du moins invérifiable. Il suffit de penser à ce que dit Betz dans la conclusion de son article:

In conclusion, are further investigations of the hypothesis worth doing? In the light of the criticism above, the reply to this question can only be a conditional but resounding yes. Even if in the final analysis the slogan of 'Jesus the Cynic' should turn out to be a contradiction in terms, many of Jesus' sayings would appear in a different light, as would those of Cynics, and historians and exegetes would learn an immense amount in the process.112

Ajoutons immédiatement que cette "hypothèse cynique" n'est pas seulement riche d'enseignements dans le cadre des études sur la philosophie antique ou de l'analyse biblique, mais aussi par rapport à la pensée foucaldienne. Ce dont il est question dans Le courage de la vérité, dans ces allusions, dans ces références plus ou moins explicites à la figure du Christ, c'est d'une sorte de jeu, de comédie, de picoterie, presque de provocation de la part de Foucault ; mais il s'agit en même temps d'un ardent désir, tellement sensible chez le dernier Foucault, de fouiller dans les archives gréco-romaines et proto-chrétiennes dans le but de dépasser la tradition chrétienne et européenne de "l'herméneutique de soi" afin de pouvoir trouver une issue à cette culture de soi dans laquelle nous sommes actuellement, selon Foucault, tous plus au moins "piégées".113 Comme le dit Lorenzini: "Son étude de la parrêsia et du bios kunikos n'était réellement, pour lui, qu'une autre manière de poser le problème des rapports entre la subjectivité et la vérité, et du gouvernement de soi et des autres".114 Je ne dis point que c'est à travers la figure du Christ que Foucault a essayé de développer ou d'accomplir ce projet stimulant de "penser autrement". Cependant, on ne peut pas ne pas s'apercevoir du fait qu'en essayant de sortir du "piège" que représente pour nous tous actuellement, selon lui, le christianisme en tant que "régime de vérité" et "herméneutique de soi" Foucault, dans son dernier cours au Collège de France, dessine un portrait du philosophe cynique qui fait souvent penser directement à Jésus lui-même. L'étude cynique de Foucault laisse entrevoir l'un des plus séduisants aspects du projet philosophico-historique de ses dernières années, à savoir la recherche et la démonstration, à travers "l'histoire de la vérité", de "la force du vrai".115 Il n'est pas surprenant qu'au cours de cette recherche Foucault n'ait pas pu faire l'économie d'une rencontre, même tangentielle, avec le visage du Christ.116

Notes

  1. Michel Senellart, "Michel Foucault: une autre histoire du christianisme?", Bulletin du centre d'études médiévales d'Auxerre, Hors-série n° 7 | 2013, mis en ligne le 29 mars 2013, consulté le 13 août 2019. http://journals.openedition.org/cem/12872. [^]
  2. Voir, entre autres, les remarques d'Étienne Balibar, "Sulle parrhèsia(e) di Foucault", Materiali foucaultiani, vol. VI/I–II (2017): 71–72: "il grande progetto a cui Foucault ha dichiarato più volte di volersi dedicare (o nell'orizzonte del quale ricollocava le sue indagini), quello di una 'storia della verità': formula di origine pascaliana che, forse, Foucault è stato il primo tra i filosofi francesi del ventesimo secolo a recuperare", ou encore le chapitre intitulé "Pour une histoire de la vérité" de Daniele Lorenzini dans La force du vrai (Lormont: Le Bord de l'Eau, 2017), 5–19. [^]
  3. Michel Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France. 1979–1980, éd. M. Senellart (Paris: Seuil/Gallimard, 2012), 99. [^]
  4. Cf. par exemple: L'herméneutique du sujet. Cours au Collège de France 1981–1982, éd. F. Gros (Paris: Gallimard/Seuil, 2001); Le gouvernement de soi et des autres I. Cours au Collège de France, 1982–1983, éd. F. Gros (Paris: Gallimard/Seuil, 2008) ; Le courage de la vérité. Le gouvernement de soi et des autres II. Cours au Collège de France, 1984, éd. F. Gros (Paris: Gallimard/Seuil, 2009. Désormais cité comme: CV) ; L'origine de l'herméneutique de soi. Conférences prononcées à Dartmouth College, 1980, éd. H.-P. Fruchard et D. Lorenzini (Paris: Vrin, 2013), et, notamment, Les Aveux de la chair. Histoire de la sexualité IV, éd. F. Gros (Paris: Gallimard, 2018). Pour les deux axes de cette recherche (l'"axe éthico-politique" et l'"axe ethico-sexuel", "pour autant que l'on puisse les distinguer rigoureusement"), cf. M. Senellart, "Le cours Du gouvernement des vivants dans la perspective de l'Histoire de la sexualité", in Michel Foucault: éthique et vérité 1980–1984, éd. D. Lorenzini, A. Revel et A. Sforzini (Paris: Vrin, 2015), 32. [^]
  5. Judith Revel, Foucault, une pensée du discontinu (Paris: Fayard, 2010), 289. [^]
  6. Frédéric Gros, "La parrhêsia chez Foucault (1982–1984)", in Foucault. Le courage de la vérité, éd. F. Gros (Paris: PUF, 2012), 155. [^]
  7. Daniele Lorenzini, Ariane Revel, Arianna Sforzini, "Actualité du 'dernier' Foucault", in Michel Foucault: éthique et vérité 1980–1984, 16–17. [^]
  8. CV, 3. [^]
  9. Senellart, "Michel Foucault: une autre histoire du christianisme?" [^]
  10. CV, 9. [^]
  11. Senellart, "Michel Foucault: une autre histoire du christianisme?" [^]
  12. Senellart, "Michel Foucault: une autre histoire du christianisme?" [^]
  13. Senellart, "Michel Foucault: une autre histoire du christianisme?" [^]
  14. Senellart, "Michel Foucault: une autre histoire du christianisme?" [^]
  15. Michel Foucault, Subjectivité et vérité. Cours au Collège de France, 1980–1981, éd. F. Gros (Paris: Gallimard/Seuil, 2014) 116–117 ; L'herméneutique du sujet, 306. [^]
  16. Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, 264–270 ; 318–321. [^]
  17. Cf. Michel Foucault, Fearless Speech, éd. J. Pearson (Los Angeles: Semiotext(e), 2001). [^]
  18. CV, 152–294. [^]
  19. Gros, "La parrhêsia chez Foucault (1982–1984)", 163. [^]
  20. Gros, "La parrhêsia chez Foucault (1982–1984)", 163. [^]
  21. Gros, "La parrhêsia chez Foucault (1982–1984)", 165–166. [^]
  22. Gros, "La parrhêsia chez Foucault (1982–1984)", 165–166. [^]
  23. "Michel Foucault et sa vision du cynisme dans Le courage de la vérité", in Michel Foucault: éthique et vérité, 105. Il faut souligner aussi, à ce propos, l'interprétation foucaldienne concernant les aspects "transhistoriques" du cynisme, notamment l'importance du cynisme dans l'art moderne. En effet, il semble bien que chez Beckett, chez Bacon ou chez Baudelaire on retrouve, selon Foucault, un art "cynique" tout à fait exemplaire. Cf. CV, 172–175. [^]
  24. Gros, "La parrhêsia chez Foucault (1982–1984)", 145. [^]
  25. CV, 239. [^]
  26. CV, 150. [^]
  27. Pour le cynisme comme "contrepoids au grand espace consacré au stoïcisme" cf. aussi, par exemple, Francesco Paolo Adorno, Le style du philosophe. Foucault et le dire-vrai (Paris: Kimé, 1996), 138. [^]
  28. Cf. e. g. CV, 159. [^]
  29. Cf. par exemple: Michel Foucault, Mal faire, dire vrai. Fonction de l'aveu en justice, éd. F. Brion et B. Harcourt (Louvain-la-Neuve: Presses universitaires de Louvain, 2012), 224. [^]
  30. CV, 200. Il est intéressant de noter que le mot "prophète" utilisé ici par rapport à Diogène et la parrêsia cynique est déjà présent, dans un tout autre contexte, au début du Courage de la vérité où Foucault oppose le prophète ("qui n'a pas à être franc") et le parrèsiaste (cf. CV, 16–17). [^]
  31. P. Chevallier, Michel Foucault et le christianisme (Paris: ENS, 2011), 308. Cf. aussi, par exemple, la conclusion du troisième tome de l'Histoire de la sexualité (Paris: Gallimard, 2009), 311–317. [^]
  32. CV, 307. [^]
  33. CV, 166. Un des personnages clés de ce rapprochement est Pérégrinus qui "est un cynique qui est passé par le christianisme, ou un chrétien devenu cynique." (CV, 167.) [^]
  34. CV, 290. Un des symptômes les plus marquants de ce changement de perspective est l'interprétation et la valorisation des martyrs chrétiens que Foucault offre dans son dernier cours au Collège de France: dans le cours de 1980, le martyr chrétien était considéré comme "celui qui préfère affronter la mort plutôt que renoncer à sa foi", il représentait aux yeux de Foucault un exercice typiquement chrétien du "refus de soi", de la "rupture avec soi-même" et même de la "destruction de soi" qui n'a rien à voir avec la culture antique de soi (L'origine de l'herméneutique de soi, 73.). Or, dans le cours de 1984, le martyr chrétien est interprété, à la lumière du cynisme antique, comme un véritable héros de la vérité dont la mort est une "vertu charnière" qui fait valoir, "en dépit de toutes les menaces, la vérité que l'on connaît, que l'on sait et celle dont on veut témoigner." (CV, 302.) [^]
  35. CV, 327. [^]
  36. CV, 168. [^]
  37. CV, 168–169. [^]
  38. Cf. le fragment n. 16 de F. Schlegel: "Wenn das Wesen des Zynismus darin besteht, die Natur vor der Kunst, die Tugend vor der Schönheit und Wissenschaft den Vorzug zu geben ; unbekümmert um den Buchstaben, auf den der Stoiker streng hilt, nur auf den Geist zu sehen, allen ökonomischen Wert und politischen Glanz unbedingt zu verachten, und die Rechte der selbständigen Willkür tapfer zu behaupten, so dürfte der Christianismus wohl nichts anders sein, als universeller Zynismus." Cité par Hans Dieter Betz, "Jesus and the Cynics: Survey and Analysis of a Hypothesis", The Journal of Religion, 74, n. 4 (octobre 1994): 465. Pour le "cynisme" de Nietzsche voir ibid., 465–470. [^]
  39. Foucault, Subjectivité et vérité, 161. [^]
  40. CV, 303 et 307. Cet aspect apparaît déjà dans Sécurité, territoire, pollution (cours de 1977–1978 au Collège de France). Cf. L. Cremonesi, "La pratique foucaldienne de la parrêsia chrétienne", in Michel Foucault et les religions, éd. J.-F. Bert (Paris: Le manuscrit, 2015), 79–80. Pour la dévaluation de la pratique de la parrêsia dans le christianisme, notamment dans le monachisme, voir ibid. 78–82. [^]
  41. Cf. Betz, "Jesus and the Cynics", 472 qui souligne que l'adjectif "cynique" est très problématique, car il présuppose qu'il y avait une seule tradition cynique dans l'Antiquité. Foucault, qui était sensible aux diverses tendances, parfois contradictoires, au sein du cynisme, énumère pourtant un certain nombre de traits qu'il décrit comme fondamentalement "cyniques". C'est dans cette acception foucaldienne que j'utilise, dans cet article, l'adjectif "cynique". [^]
  42. Pour Jésus et Socrate voir par exemple le livre d'Anna Baudart, Socrate et Jésus. Tout les sépare… tout les rapproche (Paris: Le Pommier, 1999). [^]
  43. Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France. 1977–1978, éd. M. Senellart (Paris: Seuil/Gallimard, 2004), 208 et 210. [^]
  44. Cremonesi, "La pratique foucaldienne de la parrêsia chrétienne", 75. [^]
  45. Cf. Chevallier, Michel Foucault et le christianisme, 91. [^]
  46. Cf. par exemple l'antagonisme entre les formes de l'aveu "que l'on trouve dans les rituels de pénitence aux premier siècles du christianisme" (l'exomologèse) et la "confessio oris, aveu verbal des péchés qui sera institutionnalisé" par le christianisme et qu'on voit apparaître dans la pratique monastique au IVe –Ve siècle. Voir Michel Foucault, Mal faire, dire vrai, 123, ainsi que Michel Foucault, L'origine de l'herméneutique de soi, p. 87: "Ainsi, comme vous voyez, dans le christianisme des premiers siècles, l'obligation de dire la vérité au sujet de soi-même devait prendre deux formes principales, l'exomologesis et l'exagoreusis, et, comme vous le voyez, elles sont très différentes l'une de l'autre." Cf. aussi par exemple Du gouvernement des vivants, 301 ou 317. [^]
  47. Foucault, Sécurité, territoire, population, 155. [^]
  48. Foucault, Sécurité, territoire, population, 210. [^]
  49. Foucault, Sécurité, territoire, population, 210. [^]
  50. Cremonesi, "La pratique foucaldienne de la parrêsia chrétienne", 75. [^]
  51. Foucault, Du gouvernement des vivants, 303. [^]
  52. Foucault, Du gouvernement des vivants, 305. [^]
  53. Cf. les phrases bien célèbres de l'introduction de L'Usage des plaisirs (Paris: Gallimard, 2011), 15–16: "Il y a des moments dans la vie où la question de savoir si on peut penser autrement qu'on ne pense et percevoir autrement qu'on ne voit est indispensable pour continuer à regarder ou à réfléchir […]. Mais qu'est-ce donc que la philosophie aujourd'hui – je veux dire l'activité philosophique – si elle n'est pas le travail critique de la pensée sur elle-même? Et si elle ne consiste pas, au lieu de légitimer ce qu'on sait déjà, à entreprendre de savoir comment et jusqu'où il serait possible de penser autrement? " "L''essai' […] est le corps vivant de la philosophie, si du moins celle-ci est encore maintenant ce qu'elle était autrefois, c'est-à-dire une 'ascèse', un exercice de soi, dans la pensée." [^]
  54. Chevallier, "Vers l'éthique. La notion de 'régime de vérité' dans le cours Du gouvernement des vivants", in Michel Foucault: éthique et vérité, 65. [^]
  55. Stéphane Massonet, "Foucault, l'aveu & la généalogie du sujet moderne", Acta fabula, vol. 15, n° 10 (Décembre 2014), consulté le 13 août 2019. http://www.fabula.org/acta/document9041.php. [^]
  56. Massonet, "Foucault, l'aveu & la généalogie du sujet moderne". [^]
  57. Pour l'idée de "la conscience religieuse en butte avec l'Église", de la "révolte du subjectivisme religieux" ou des "conduites religieuses se révélant essentiellement incompatibles avec l'institution ecclésiale" cf. Chevallier, Michel Foucault et le christianisme, 75–78. [^]
  58. CV, 301. [^]
  59. CV, 167. [^]
  60. Cf. Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, 55, où Foucault parle de la "structure agonistique" de la parrêsia. [^]
  61. M.-O. Goulet-Cazé, Cynisme et christianisme dans l'Antiquité (Paris: Vrin, 2014), 162. [^]
  62. CV, 258. [^]
  63. CV, 262–264. [^]
  64. Lorenzini, La force du vrai, 143. [^]
  65. CV, 259. [^]
  66. Pour le thème concernant le rapport entre le Christ et la laideur, cf. Jean-Louis Chrétien, "La beauté dit-elle adieu?", in L'arche de la parole (Paris: Puf, 1998), 105–149 (surtout 109–110 et 142–143). [^]
  67. Marcel Simon, Hercule et le Christianisme (Paris: Les Belles Lettres, 1955). [^]
  68. CV, 175. [^]
  69. CV, 283. [^]
  70. CV, 155. [^]
  71. CV, 160–161. [^]
  72. CV, 160. Cf. aussi Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, 315: "La vie philosophique est une manifestation de la vérité. Elle est un témoignage." [^]
  73. CV, 253. [^]
  74. CV, 254. [^]
  75. CV, 274. [^]
  76. CV, 263. [^]
  77. CV, 260. [^]
  78. CV, 255. [^]
  79. CV, 263. [^]
  80. CV, 256–257. [^]
  81. CV, 193. [^]
  82. Foucault, Fearless Speech, 119. [^]
  83. CV, 158. [^]
  84. "Il [le cynique] sera – on avait trouvé le mot tout à l'heure – le kataskopos (l'éclaireur), ou encore l'episkopos (j'allais dire: l'évêque) du genre humain auquel il s'adresse." (CV, 276.) [^]
  85. CV, 154. [^]
  86. CV, 240. [^]
  87. CV, 275. [^]
  88. CV, 275. [^]
  89. CV, 276. [^]
  90. CV, 278. [^]
  91. CV, 277. [^]
  92. Cf., par exemple, Matthieu 5, 43: "Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent." [^]
  93. CV, 290. [^]
  94. "Exercer dans et par sa vie le scandale de la vérité, c'est cela qui est au noyau du cynisme. " CV, 161. [^]
  95. Cf. "Il faut admettre que le mode de vie cynique, avec son austérité et son exigence, devait apparaître aux chrétiens soucieux de radicalité et de renoncement au monde comme le modèle de sagesse et d'héroïsme le plus abouti qu'avait fourni l'hellénisme." Goulet-Cazé, Cynisme et christianisme dans l'Antiquité, 220. [^]
  96. A ce propos, cf. Balibar, "Sulle parrhèsi(e) di Foucault", 75: "Foucault riprende più volte l'espressione 'scandalo della verità'. In maniera generica, essa può avere uno sfondo evangelico (Paolo dice che la predicazione di Cristo crocifisso è uno 'scandalo per gli Ebrei e una follia per i Greci') (1 Cor 1:23)". [^]
  97. CV, 243–244. Cf. aussi Goulet-Cazé, Cynisme et christianisme, 162–163. [^]
  98. CV, 292. [^]
  99. Cf. la remarque de Lorenzini à propos du projet foucaldien de la vérité: "Ce projet se fonde sur le postulat qu'il n'existe aucune 'Vérité du dehors' et qu'il n'y a de vérité qu'à l'intérieur de jeux et de régimes spécifiques et contingents ; c'est pourquoi l'histoire de la vérité doit prendre la forme d'une généalogie de ces jeux et de ses régimes historiquement déterminés. " Lorenzini, La force du vrai, 10. [^]
  100. CV, 167. [^]
  101. Cf. CV, 5. [^]
  102. F. Gros a d'ailleurs bien raison d'attirer l'attention sur le "dialogue secret [de Foucault dans Le courage de la vérité] avec la pensée de Heidegger sur l'idée grecque de la vérité" (CV, 327.): l'examen du concept d'alèthurgie chez Foucault semble tout naturellement renvoyer aux investigations philosophiques et esthétiques bien connues de Heidegger concernant le concept grec de l'alêtheia (ce qui ne veut point dire que le concept de la vérité chez Foucault soit identique à celui de Heidegger). A propos de l'importance de Heidegger pour Foucault qui en parle comme "le philosophe essentiel", cf., par exemple, la remarque très intéressante de Foucault dans "Le retour de la morale", in Dits et écrits II, 1976–1988, éd. D. Defert et F. Ewald avec la collaboration de J. Lagrange (Paris: Gallimard, 2001), 1522. [^]
  103. Foucault, Du gouvernement des vivants, 8. [^]
  104. Lorenzini, La force du vrai, 101. [^]
  105. Il est intéressant de noter que la figure de Jésus apparaît dans le même sens chez Peter Sloterdijk qui affirme: "L'impulsion kunique n'a pas été vivante uniquement de Diogène au stoïcisme, on la retrouve aussi chez Jésus, le gêneur par excellence, et chez tous les vrais descendants du maître." P. Sloterdijk, Critique de la raison cynique (Paris: Christian Bourgois, 1987), 251. (Foucault n'a pas pu lire ce livre de Sloterdjik paru en 1983. Cf. CV, 165). [^]
  106. Lorenzini, La force du vrai, 75–76. [^]
  107. Lorenzini, La force du vrai, 76. [^]
  108. Goulet-Cazé, Cynisme et christianisme, 146. [^]
  109. Goulet-Cazé, Cynisme et christianisme, 146–147. [^]
  110. Goulet-Cazé, Cynisme et christianisme, 150. [^]
  111. Betz, "Jesus and the Cynics", 461. [^]
  112. Betz, "Jesus and the Cynics", 474–475. [^]
  113. "Même si les Lumières ont été une phase extrêmement importante dans notre histoire, et dans le développement de la technologie politique, je crois que nous devons nous référer à des processus bien plus reculés si nous voulons comprendre comment nous nous sommes laissé prendre au piège de notre propre histoire. " Foucault, "'Omnes et singulatim': vers une critique de la raison politique", In Dits et écrits II, 955. À ce propos, cf. aussi par exemple L. Cremonesi, "La lecture foucaldienne de la parrêsia chrétienne", 74. [^]
  114. Lorenzini, La force du vrai, 77. [^]
  115. Cf. encore une fois l'étude très utile de D. Lorenzini, La force du vrai, surtout 149–150. [^]
  116. L'auteur de cet article a bénéficié de la bourse "Bolyai" de L'Académie hongroise des sciences. [^]

Références

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